La bienveillance est une contamination positive.


A le voir à tout bout de champ dans les médias, utilisé à toutes les sauces, on pourrait penser que le mot est passé de mode. 
- Encore un coup de communication qui passera aussi vite que les bonnes résolutions !

A se l’entendre répéter dans l’Education Nationale, on est tenté de passer à l’extrême inverse, tant on sait que la bienveillance ne s’enseigne pas avec des mots mais avec des actes. 
- On ne peut tout de même pas demander à ceux qui n’en ont pas bénéficié de prodiguer ce qu’ils n’ont jamais connu !

Et pourtant, la bienveillance recouvre une réalité bien douce : celles des gens qui veulent du bien.

A une époque où on se méfie d’un homme au comportement suspect dans un aéroport, où on baisse les yeux dans la rue pour ne pas donner l’impression de provoquer ou pour ne pas voir la misère du trottoir, où on demande aux employés d’être aussi performants que le plus performant d’entre eux, où l’intelligence ne semble exister que lorsqu’elle rabaisse et agresse autrui, où on attaque quelqu’un pour son sexe, sa préférence sexuelle, son pays d’origine ou sa religion, être gentil, c’est prendre le risque de se faire dévorer tout cru ou de passer pour le dernier des niais. 
- Nous ne sommes pas des animaux, ça non ! 
Mais comme le monde tombe vite à bras raccourcis sur les plus faibles, les plus vulnérables ! 
- Gardons-nous donc de montrer la moindre faiblesse, de peur que quelqu’un l’utilise contre nous ! Vite ! Forgeons-nous une carapace inexpugnable, faite de force factice, d’efficacité de surface et d’inébranlables certitudes !

Mais voilà qu’un jour, tu te sens faible et que tu peines à le cacher. La souffrance est importante et elle augmente d’être subie en silence. S’y ajoutent la culpabilité de n’être plus aussi performant, la peur de ne plus être légitime et que ton imposture soit découverte.

Alors que tu dévoiles malgré toi tes faiblesses, parce que le filtre que tu avais posé entre le vrai toi et l’extérieur ne fait plus effet, tu t’aperçois avec étonnement que l’autre te renvoie ton reflet. A la souffrance que tu lui révèles, il associe la sienne. Et vous voilà, lui et toi, partageant en toute sincérité une vulnérabilité commune.

C’est alors que le voile est levé. L’autre se cache comme toi, tu te caches. Il n’est pas sans faille ; seulement, il ne les partagera que s’il te sent réceptif à sa souffrance, bienveillant envers lui.

Dès lors, tu regardes les gens autrement : le fanfaron cache son manque d’assurance derrière ses pantalonnades ; l’agressif attaque de peur d’être attaqué ; le renfermé redoute d’en trop dévoiler et de se mettre à nu ; le râleur chronique ne sait peut-être plus parler autrement qu’en critiquant...

Tous cherchent à être aimés et respectés. Tous méritent d’être aimés et valorisés, car il y a vraiment peu de véritables méchants dans ce monde. Il y a des fous, des opportunistes, des égoïstes, mais peu de gens qui font preuve de méchanceté gratuite.

C’est juste qu’ils ne savent pas qu’une autre voie est possible, que montrer sa propre vulnérabilité, c’est offrir aux autres la possibilité d’être eux-mêmes vulnérables, que leur vouloir du bien, c’est déjà leur faire du bien, tout en leur révélant la marche à suivre pour faire le bien à leur tour.

Il y a un film que j’aime beaucoup et qui démontre tout ça ; il s’intitule Un monde meilleur. Un jeune garçon, qui évolue dans un univers un peu triste, imagine un système qui permettrait de rendre le monde meilleur : il suffirait d’aider de manière désintéressée trois personnes, qui, à leur tour, viendraient au secours de trois autres personnes. Le film montre comment cette simple idée transforme la vie de l’entourage du garçon.

Et vous savez quoi ? C’EST POSSIBLE. 
Sans passer par ce système un peu contraignant, il suffit d’avoir une attitude bienveillante au quotidien pour amener d’autres à devenir bienveillants. Comme l’indique le Flow de ce mois-ci, dans son article « Bonjour gentillesse », « être gentil incite les autres à faire de même :(...) cela crée un effet ricochet, jusqu’à trois degrés de séparation.
L’ayant intuitivement compris, j’ai tenté il y a quelques années de répandre moi-même la bienveillance, comme une contamination positive. J’ai ainsi pris l’envers d’une mauvaise habitude d’éducateur : j’ai cessé d’être systématiquement dans la critique et ai commencé à souligner les points positifs d’une attitude, d’un travail chez mes élèves, mais aussi chez mes collègues de travail, mes supérieurs hiérarchiques, les commerçants chez qui je faisais mes emplettes... 

Ainsi, j’ai pris l’habitude de sourire aux gens, de leur faire des compliments sincères, de les remercier à leur juste valeur, d’encourager leurs efforts, même les moindres. Et devinez quoi ? Non seulement ça m’a fait du bien à moi, de relever le positif au quotidien, mais ça a aidé certains de mes élèves à prendre confiance en eux, si bien qu’ils ont fait des progrès.  J'ai aussi constaté que mes élèves étaient heureux de venir en cours, qu'ils formaient un groupe plutôt soudé. J’ai également vu mes collègues se détendre et se montrer eux-mêmes plus positifs et épanouis, jusqu’aux parents des enfants que je ne croisais qu’à de rares occasions, qui me faisaient des retours positifs. J’étais en train de contaminer positivement mon entourage, à mon échelle ! Imaginez alors que cet entourage fasse de même ! Quel beau virus !

Alors, je continue : un mot gentil sur une tenue, une coupe de cheveux..., un encouragement à celui ou celle qui peine un peu, des félicitations à celui ou celle qui réussit, un peu d’aide à qui en a besoin (une porte à tenir, un objet à ramasser, un message à donner...), je défends celui ou celle qu’on exclut ou dont on se moque en invitant à imaginer la souffrance qu’il peut ressentir. 
Je m’implique.
S’il est vrai qu’il suffit d’un adulte, même côtoyé un bref instant, pour aider un enfant à se construire, s'il est vrai qu'un sourire ou un mot gentil peut changer le cours d'une journée de quelqu'un, alors je me dis que ma bienveillance n’est pas vaine, même à mon échelle. 

Commentaires

Laurine a dit…
Un magnifique article, c'est aussi ce que m'a inspiré le dernier Flow. C'est tellement bon d'envoyer un "flow" de gentillesses sur le monde et de le voir revenir comme un boomerang. Bravo à toi, ça fait réfléchir !
Unknown a dit…
Tes mots sont vrais et percutants. Merci pour ta sincérité.
Plusieurs Vies a dit…
Magnifique Articles. Des mots justes, forts.

J'aime discuter avec les gens n'importe où pour échanger, un regard, un rire, un sourire, un point commun, une compassion, dans les magasins, dans mon allée, au parc en bas de chez moi, ou encore dans la rue, devant une vitrine... parce que cet échange apporte du bien. Qu'il dure 10 seconds ou 30 trente minutes, il fait du bien. Pour moi, c'est ça, l'humanisme.

Oui, un sourire, un signe de compassion, de compréhension, d'empathie, c'est tellement.
Et Oui, dans la vie de tous les jours, on peut faire encore et toujours plus, avec tellement rien.

PS : Ce film est en effet sublime! Les enfants ont souvent la clé du bonheur au départ. On leur arrache malheureusement parfois tôt, et pourtant, si on les écoutait un peu plus, le monde serait sûrement plus sage.

Merci pour ce bel article
Mira a dit…
Merci pour tous vos gentils commentaires, j'apprécie beaucoup ! :-)

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