Si j'avais un perroquet, je l'appellerais Jean-Guy (Parce que Coco, c'est déjà pris), de Blandine Chabot


J’ai commencé Si j’avais un perroquet, je l’appellerais Jean-Guy, en pensant avoir affaire à une comédie romantique, légère et rapide à lire. Eh bien non !
La lecture a été rapide, oui, mais pas toujours légère, malgré l'humour de l'autrice. Et comme vous allez pouvoir le constater, on aurait tort de la résumer à une romance.



Catherine est à l’arrêt dans sa vie amoureuse depuis deux ans, après qu’elle a été trompée de la façon la plus affreuse qui soit. Et sinon, elle a un chat, qu’elle a appelé Luc, une copine coiffeuse, Bénédicte, une meilleure amie, Margaux, prête à partager le pire comme le meilleur, un job de prof de Français. Et sinon, elle ne mâche pas ses mots.
Un marque-page, découvert au hasard d'un livre emprunté à la bibliothèque et sur lequel est inscrit un nom d’homme, un numéro de téléphone et une invitation à appeler, va servir de déclencheur à l’histoire.



D’aucuns se sont plaints de la narration qui n’a ni queue ni tête, et c’est vrai que je me suis souvent demandé où l’autrice voulait en venir. Mais, si on prend les choses autrement, si on considère ce roman davantage comme un drame, on est à même de comprendre que c’est la vie qui nous est décrite ici, avec ses hauts et ses bas. Peu à peu, Catherine dévoile son quotidien, ce qui la hante et ce qu’elle espère ; peu à peu, on la voit qui évolue, clôt certains chapitres et en ouvre d’autres.


"J'ai acheté une boîte.
De pénis.
En chocolat.
J'ai acheté des pénis en chocolat dans une boîte, quoi.
J'ai acheté du chocolat qui est dans une boîte et qui est en forme de pénis. Les chocolats, pas la boîte.
Les pénis que j'ai achetés pour ma copine, eh bien ils sont en chocolat.
Ma copine va manger des pénis en chocolat.
Je voulais que nous nous éclatassions un petit coup, que nous débridassions furtivement nos courtes existences, que nous encourageassions la pornographie et la dépravation le temps d'une vêpres ; j'achetasse donc une boistelette avec, en son sein, une demi-trentaine de chocolats dont la forme eût été calquée sur l'appareil génital masculin.
D'une grosse quantité de chocolat ont été engendrés de petits pénis, lesquels ont été disposés dans un joli coffret, lequel sera offert à mon amie Margaux.
Et le cacao devint pénis. Et les pénis devinrent cadeau."


La narration, assez décousue, surtout au début du livre, est à l’image des pensées : tantôt la narratrice est dans son sujet, tantôt elle s’en éloigne. La nature même de ses propos s’assimile au contenu sans filtre des pensées : Catherine nous dit tout, et même assez crûment. J’ai apprécié ce travail sur le style, qui en rebutera probablement certains, car il propose une idée réaliste de ce qui se passe dans la tête de quelqu’un et cela semble plus approprié au discours intérieur d’un narrateur qu’une histoire racontée de manière chronologique. Par ailleurs, il offre de nombreuses ouvertures, vers différents registres, différents thèmes : soudain, on explose de rire, au tournant d’un trait d’humour, ou on se retrouve la gorge aussi serrée que la narratrice quand elle décrit une situation insupportable avec des mots aussi rudes que cette dernière.


"Il m'avait je t'aime alors que nous n'avions encore jamais passé un jeudi ensemble. Et je lui ai ouvert mon coeur.
Voilà deux ans que je lui souhaite une mort hâtive et douloureuse tout en m'ennuyant de cet instant précis où son visage passe de neutre à radieux."


Catherine est un personnage hors-norme. Elle a un humour ravageur, un cynisme à toute épreuve, est d’une crudité qui vous fait suffoquer mais elle est aussi très humaine, touchante par son vécu et dans les combats qu’elle choisit, aussi bête que soi quand on fait de mauvais choix. On n’a qu’une envie : c’est qu’elle retrouve l'équilibre qu'elle a perdu, car finalement, sur les sentiments, elle reste assez pudique.


"Je suis en pyjama à 18 heures, oui. Cela amène inévitablement la questions suivante : ai-je passé la journée en pyjama ou me suis-je déjà mise en pyjama ? Dans le premier car je passerais pour une sacrée fainéante, dans le second pour une sacrée mémère. Toute vérité n'est pas bonne à dire, ainsi me contenterai-je de préciser la couleur et la texture de mon habit d nuit : je porte de la soie noire. Cela signifie donc que, s'il s'avérait effectivement que je sois une mémère, je ne le serais qu'à moitié. Décorés de rayures, de pois ou de nounours, les pyjamas me causent différents ennuis psychologiques, principalement de la dépression et de la neurasthénie."


Son histoire, comme dans la vie, n’a ni queue ni tête, le meilleur côtoie le pire, le trivial côtoie le sublime. Et pourtant, on y trouve son compte, car, parmi tous les évènements qu'elle traverse, Catherine avance, et le lecteur aussi.


C’est un roman plein d’énergie et positif, qui raconte la vie comme elle est. L’héroïne est un exutoire à pas mal de frustrations tout en servant d’exemple à bien des niveaux. Je le recommande aux tristes et aux apathiques, en guise de thérapie, aux joyeux et aux dynamiques, parce qu’ils n’y perdront rien. Quant aux psychorigides de la narration strictement linéaire, passez votre chemin, pour votre bien et celui de l’art : le travail opéré sur le style par l’autrice mérite d’être loué et non critiqué.



Commentaires

Unknown a dit…
Je l'avais également bien apprécié, mais c'est vrai que cette narration décousue peut dérouter. :)
Ca y est je suis convaincue ! Je le met dans ma WL :)

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