Divine corruption, de David et Alexandre Rousseau

Divine corruption m'a été proposé à la lecture par l'attachée de presse des auteurs. Outre la couverture que je trouvais très belle, le sujet abordé me semblait intéressant : ce livre de dark fantasy met en scène plusieurs royaumes, qui créent une hiérarchie entre hommes et dieux. Les hommes tentent de s'en sortir, dans un monde régi par les célestes, qui s'affrontent pour obtenir plus de pouvoir, tandis que dans l'ombre, une créature oeuvre dans son propre intérêt. J'aimais l'idée d'avoir organisé le monde en faisant interagir directement l'homme et le divin.


L'histoire suit ainsi plusieurs êtres humains, Joseph, puis Nève, qui tentent de sortir leur épingle du jeu, bien qu'ils soient tenus par leurs ambitions et les obligations qui y sont liées. Ainsi, chacun d'entre eux souhaite être promu à la caste céleste. Malheureusement, cela suppose de servir les intérêts de l'archange qui accède à sa demande...
Pendant ce temps, la corruption fait son oeuvre et passe les portes des royaumes.

Je ne vais pas maintenir le suspense plus longtemps : cette lecture ne m'a pas satisfaite.
Plusieurs raisons à cela.

La première, la plus évidente, au démarrage, c'est l'écriture. Elle fait obstacle à la lecture. Un travail de correction serait ABSOLUMENT nécessaire pour nettoyer l'écriture des  erreurs d'orthographe basique : conjugaison au passé simple, accords, erreurs lexicales... mais aussi des répétitions. Des mots reviennent à plusieurs reprises, sur la même page, le même paragraphe. Les participes présents, dont la présence est lourde en écriture, sont utilisés par moments de manière outrancière : une page complète, à chaque ligne ! Les expressions sont maladroites : les mots utilisés sont approximatifs ou inappropriés. J'ai trouvé aussi quelques erreurs de concordance des temps. La ponctuation n'est pas toujours maîtrisée.
Plus embêtant encore  : les reprises nominales maladroites qui tendent à rendre la narration confuse, car le lecteur ne parvient pas à distinguer les protagonistes les uns des autres, alors que l'univers créé réclame une grande précision à ce sujet. En effet, le lecteur doit pouvoir identifier qui est humain, qui est céleste, qui est aspirant céleste... et malheureusement, au sein d'un paragraphe ou d'une page, tout se mélange. 

Deuxièmement, les choix narratifs se révèlent problématiques. 
Un trop grand nombre de points de vue pose également problème. Tout d'abord, il est difficile de distinguer les moments où on passe d'un point de vue à un autre, et de comprendre à qui appartient ce point de vue. Ensuite, il y a un point de vue qui chapeaute tous les autres et qui est un ressort d'intrigue, celui de la "mère" des célestes. L'ennui, c'est que la narration ne le prend pas en charge assez régulièrement au début de l'histoire pour clairement l'identifier comme le point de vue dominant et que les autres points de vue internes, celui de Joseph, de Nève et de bien d'autres encore, rendent son identification encore plus complexe.
Par ailleurs, il y a au moins un tic d'écriture qui se révèle agaçant : celui d'adopter systématiquement la focalisation externe en début de chapitre et d'ainsi faire passer les héros pour des inconnus. Ce choix est un ressort d'intrigue à utiliser avec parcimonie et à dessein.
D'autre part, j'ai remarqué quelques incohérences. Par exemple, pourquoi un chef laisserait-il massacrer le gros de sa troupe, pour qu’une unique recrue, quelle que soit son importance, montre sa valeur, alors qu'une bataille décisive est sur le point d'avoir lieu ? On se le demande.
Enfin, de nombreux passages de la narration, mettant en scène des personnages secondaires, sont présents alors qu'ils sont inutiles : une soldate qui demande à être rassurée sur ses capacités, un élève qui regrette l'absence de son professeur... Tout ce qui ne sert pas l'intrigue,  ne sert pas le sujet, doit disparaître. Un brouillon se permettra d'explorer différentes alternatives, différents éléments de l'histoire, différents univers, mais le travail de correction doit nettoyer le texte de ce qui a permis de le construire mais qui ne se révèle pas nécessaire au lecteur pour la compréhension de l'histoire.

La troisième raison est que l'univers est plein de promesses mais mal défini. J'ai eu du mal à comprendre les différents royaumes, la hiérarchie entre les créatures, ainsi que ce qui distingue essentiellement les célestes des êtres humains, hormis leur position sociale. Leurs capacités sont-elles personnelles ou liées à leur nature divine ? Par ailleurs, certains vivent parmi les humains, d'autres entre eux, mais dans quel royaume ? Y'en a-t-il un qui leur est réservé ? Je n'ai pas réussi à comprendre ce point, qui pourtant, est la base de l'histoire. 
Les extraits de commandement qui ponctuent l'histoire sont une bonne idée pour servir le sujet, parce qu'ils définissent le statut des êtres humains dans ce monde régi par les célestes ou parce qu'ils permettraient de mieux comprendre l'univers. Cependant, leur ordre est mal choisi. Ainsi, les registres historiques qui font le point sur les personnages de Joseph et Nève arrivent beaucoup trop tard, surtout quand cela fait une centaine de pages que Joseph a disparu de l'histoire ! L'extrait de la Genèse des royaumes arrive lui aussi bien trop tard ; s'il avait été présent plus tôt, la lecture aurait été davantage facilitée.

Quatrièmement, certains lecteurs ont comparé cette histoire à Game of Thrones. Je pense que cela vient du fait que les protagonistes ont une importance relative et peuvent mourir, selon les circonstances, et sans état d'âme de la part des auteurs. Ce serait un point fort de l'intrigue si toutefois on finissait par comprendre quel est le vrai fil conducteur de l'histoire. Or le sujet n'est pas servi par la narration. S'il s'agit effectivement de traiter la destinée humaine comme assujettie à une volonté extérieure à elle, s'il s'agit de traiter ce besoin fondamental de l'homme de maîtriser sa vie et de contrer la mort, les auteurs ne sont pas parvenus à vraiment mettre en avant ses problématiques. 

Une cinquième raison réside dans l'un des arguments de la 4e de couverture : "L'univers mélange magie, politique, psychologie et froideur." Si en effet les deux premiers éléments sont bien présents, les personnages ne sont pas suffisamment campés pour qu'il y ait une véritable psychologie. 
Par ailleurs, l'argument de la froideur me pose problème. Selon moi, c'est à double tranchant. Si je reprends les univers de Game of thrones ou de The Walking Dead (avant les dernières saisons, bien sûr), on peut parler de froideur "efficace", dans la mesure où les personnages subissent l'univers dans lequel ils évoluent et que les auteurs et scénaristes ne se préoccupent pas de l'attachement que les lecteurs/spectateurs auront développé envers eux, quand il s'agira de les faire mourir pour respecter l'intrigue ou le sujet. Si la froideur signifie que le lecteur ne parviendra pas à s'attacher d'une quelconque façon au personnage, il y a un problème. Selon moi, seul des auteurs comme Camus, avec son Etranger, ou Flaubert, avec sa Mme Bovary (Et encore...) sont parvenus à écrire des histoires intéressantes avec des personnages insupportables ou qui n'en sont pas. Mais ça fonctionne sur combien d'oeuvres ? Une ou deux sur des milliers ! Un lecteur doit pouvoir s'attacher aux personnages.  Dans Game of thrones, on est bouleversé par la mort des Stark, parce qu'on a aimé suivre leurs trajectoires, qu'on s'est inquiété pour eux, etc. Dans Divine corruption, je n'ai pas éprouvé d'intérêt particulier à suivre le destin de Joseph ou de Nève, parce qu'ils ne font qu'agir. Seule leur ambition les guide vraiment. Les liens qu'ils créent avec les autres personnages sont superficiels. 


Et finalement, même si le sujet était prometteur, que la trame révèle peu à peu la présence d'une instance supérieure, qui va contrecarrer les plans de tous les protagonistes, l’évolution de l’intrigue est assez convenue : il m'a suffi de survoler les cinquante dernières pages pour aboutir à un rebondissement auquel je m'attendais.

Je ne peux donc que conseiller aux auteurs de reprendre leur texte en travaillant précisément sur :
- la construction de leur monde, ou comment en faire ressortir son fonctionnement et son organisation,
- le sujet qu'il faut mettre en avant, quitte à supprimer des passages entiers de l'histoire,
- l'organisation de la narration,
- l'écriture qu'ils doivent nettoyer des erreurs de langue, mais qu'ils doivent aussi rendre plus claire.
Seule une correction de cette ampleur leur permettra de proposer à leurs lecteurs l'oeuvre aboutie, dont ils ont eu l'intuition.







Commentaires

Les articles que vous avez le plus appréciés cette semaine